1984, George Orwell

[déplacé depuis la page d'accueil le 4 mai 2013 ; entre crochets, un complément ajouté au moment du déplacement de la page]

[Le 5 avril 2011, le ministre des affaires étrangères français Alain Juppé lançait un ultimatum au président de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo exigeant non seulement qu'il remette le pouvoir a son rival Alassane Ouattara, mais en plus qu'il reconnaisse par écrit la victoire de celui-ci à l'élection présidentielle du 28 novembre 2010. Gbagbo a refusé... Depuis la prise de la résidence présidentielle le 11 avril suivant, Laurent Gbagbo est un prisonnier.]

(Paris, 6 avril 2011, 10h00-22h00)

Juppé l’inquisiteur menace Gbagbo : "abjure ou alors..."

6 avril 2011 : Alain Juppé à la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale :

La signature d'un document où Laurent Gbagbo "renonce au pouvoir" et "reconnaît Alassane Ouattara comme président légitime" est exigée.

http://lci.tf1.fr/monde/afrique/2011-04/abidjan-l-armee-de-gbagbo-arrete-les-combats-6360231.html
Côte d'Ivoire : Gbagbo en train de négocier son départ
Par TF1 News, le 05 avril 2011 à 13h39, mis à jour le 05 avril 2011 à 18:38

Auditionné à 17h30 par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Alain Juppé a confirmé que la signature d'un document où Laurent Gbagbo "renonce au pouvoir" et "reconnaît Alassane Ouattara comme président légitime" était exigée.

Juppé se comporte comme les Romains qui martyrisaient les chrétiens. On les arrêtait et on les enchaînait, mais cela ne suffisait pas. Il fallait obtenir qu'ils abjurent leur foi, sous peine d'être jeté aux lions.

Cette insistance à obtenir l'abjuration de Gbagbo est-elle l'aveu de la fragilité de la "victoire" de Ouattara ? En effet, si cette victoire était tellement nette et sans tâche qu'ils veulent nous le faire croire, quel besoin aurait elle d'être renforcée par la signature par Gbagbo d'un document la reconnaissant ?

L'Empire n'aura rien épargné à la Côte d'Ivoire pour assoir à sa tête celui qu'il a choisi...

Cela ne lui suffit pas il réclame aussi que le résistant abjure et reconnaisse Sa Vérité. C'est le monde d'Orwell :

Dans 1984 le résistant Winston est obligé de proclamer à la fin :

2 + 2 = 5.

Voilà ce que veut obtenir Juppé de la part de Gbagbo.

Laurent Gbagbo

On peut quant même accorder à Gbagbo de croire être le président légitime de son pays.
Et ceux qui meurent pour lui ?
Et ceux qui sont déjà morts pour lui ?

Si Gbagbo refuse de signer ? Que fera Juppé ? La guerre à outrance ? La mise à mort ?

[Mise à jour du 6 avril à 22h]
Les combats ont repris à Abidjan dans la matinée du mercredi 6 avril. Alain Juppé a finalement choisi la guerre :

AFP / 06 avril 2011 11h31 :
Echec des discussions avec Gbagbo, assaut final des forces de Ouattara
"Gbagbo refusait toujours de reconnaître par écrit la victoire de Ouattara, ainsi qu'il le lui demandait, Ouattara a jugé qu'il n'était pas honnête", a-t-on également indiqué de source gouvernementale française.

Laurent Gbagbo a confirmé le mardi 5 au soir, dans une interview téléphonique à [Vincent Hervouët pour] la chaîne de télévision LCI qu'il ne signerait pas de document reconnaissant la victoire de Ouattara : "Il n'a pas gagné les élections" (vers 6' de la vidéo sur TF1, 22'51", désolé pour la pub à se farcir...) "Ce que j'ai pu réclamer, c'est tout, la vérité des urnes." (vers 7').

Mercredi matin, Alain Juppé expliquait :

"Nous avons demandé à l'ONU de lui garantir son intégrité physique, ainsi qu'à sa famille (...) et d'organiser les conditions de son départ. C'est la seule chose qui reste à négocier désormais". "Nous allons poursuivre avec l'ONU qui est à la manoeuvre les pressions pour qu'il accepte de reconnaître la réalité". "C'est l'Onu qui négocie et qui lui demande de respecter les résolutions du Conseil de sécurité, c'est-à-dire d'admettre sa défaite", a-t-il rappelé. "J'espère que la persuasion va finir par l'emporter et qu'on évitera de reprendre des opérations militaires", a ajouté le ministre, en dénonçant un "entêtement absurde". "Gbagbo n'a désormais plus aucune perspective, tout le monde l'a lâché", a-t-il ajouté. (source: La Tribune)

Quelle réalité Alain Juppé évoque-t-il ?

En milieu d'après midi le 6 avril, Alain Juppé a avoué à l'assemblée nationale, qu'il était le petit télégraphiste de Ouattara. "Ce n'est pas la France qui fixe les conditions, c'est le président ivoirien légitiment élu (NDLR, Alassane Ouattara), ces conditions "sont très claires: il exige que Laurent Gbagbo accepte sa défaite et reconnaisse la victoire du président légitimement élu" (source: Le Parisien).

Dans l'après midi du mercredi 6 avril, le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt a déclaré : "Il faut que M. Gbagbo comprenne une bonne fois pour toutes qu'il n'a pas gagné les élections et que M. Ouattara doit pouvoir se mettre au service de son pays, exercer ses fonctions le plus vite possible." (source: Le Parisien).

La "réalité" que Laurent Gbagbo doit reconnaître est donc ceci : reconnaître que Ouattara a "gagné les élections". Laurent Gbagbo est donc dans la situation du héro de 1984. Ouattara, la France et l'ONU sont décidés à le contraindre à déclarer que "2 + 2 = 5" : un crime contre ce que sa conscience et son intelligence lui indiquent être la vérité. C'est tout l'honneur de Gbagbo de rester fidèle à cette vérité qui correspond à ce que de nombreux perçoivent comme lui, dans et hors de la Côte d'Ivoire, et de ne pas céder devant les armes. On est encore dans le procès en abjuration et on a sciemment laissé les combats reprendre pour l'obtenir.

Dans cette affaire, l'ONU, la France et Ouattara se comportent comme le pouvoir totalitaire dénoncé par Orwell dans 1984. Nous vivons en 2011 dans une société totalitaire.

(Note du 8 avril 2011 :)
La "vérité des urnes" que réclame toujours aujourd'hui Laurent Gbagbo est l'élucidation du mystère des nombreuses fraudes manifestes constatées dans le Nord (cf. liens plus bas) et de cette augmentation du taux de participation de 70% à 81% entre la sortie des urnes et la proclamation hors délais des résultats par Youssouf Bakayoko, le président de la commission électorale indépendante. Gbagbo a demandé un recomptage des voix auquel Ouattara s'est toujours opposé. Avec le recul, ce refus systématique d'aller au fond avec un décompte des voix réclamé par Gbagbo est suspect. Quelle crainte devrait avoir le gagnant légitime des élections face à un décompte minutieux des voix qui ne devrait que renforcer sa légitimité ? Voici la réponse de Ouattara :

http://www.france24.com/fr/20110105-exclusif-interview-alassane-ouattara-cote-ivoire-solution-pacifique-gbagbo-exil-paix-option-militaire
Premier interview d'Alassane Ouattara après les élections présidentielles, France 24, le 5 janvier 2011. (17'24")

Ouattara (O): "J'exige son départ" (4'), "qu'il quitte le pouvoir" (7')
Q: "Est-ce que nous êtes d'accord pour que l'on recompte les voix ?"
O: "Il n'en est pas question [...] Moi je détiens dans nos ordinateurs les 21 000 procès-verbaux des bureaux de vote. Ce travail a déjà été fait." [...]
Q: "Est-ce que ça veut dire pour autant, Monsieur Ouattara, qu'il n'y a pas eu de fraude dans le Nord ?
O: "Il n'y a pas eu de fraude dans le Nord"
Q: "Pour résumer, monsieur Ouattara, il faut que Monsieur Gbagbo s'en aille. Point final."
O: "Mais tout à fait"

Dans son Message à la Nation télévisé le 7 avril, Alassane Ouattara nie les évidences :

http://www.afriscoop.net/journal/spip.php?article3434
Message à la Nation (Vidéo), vendredi 8 avril 2011 par AfriSCOOP
L’intégralité du discours à la nation du président Alassane Ouattara
"L’intérieur du pays a été pacifié et les populations y vivent en toute sécurité et en parfaite harmonie."
"les miliciens et mercenaires à la solde de Monsieur Laurent Gbagbo ont instauré un climat de terreur et d’insécurité dans la ville et entrepris de vastes opérations de pillages."

Quel contraste avec :
ce bilan d'une semaine à Abidjan, rapporté ce même 7 avril par Gilles Naismon à Abidjan, repris par le blog de Théophile Kouamouo ;
ce dont rend compte Aline Leclerc dans le Monde, ce même 7 avril : A Duékoué, le choc d'un massacre de grande ampleur en Côte d'Ivoire.

N'ayez pas peur (Deutéronome 1:29)

Je conteste la validité, et conséquemment les résultats d’une raison cultivée par tout procédé spécial autre que la logique abstraite (Edgar Allan Poe, La lettre volée)

V. 3 du 4 mai 2013 création de cette page (article initialement créé sur la page d'accueil) ; v. 2 du 8 avril 2011, note sur la "vérité des urnes"  v.  1 du 6 avril 2011, création de l'article sur Juppé et Gbagbo.